L’Eigenfactor est une mesure du prestige d’une revue en fonction de l’influence des revues citantes. Son calcul tient compte de la science comme d’un réseau complexe où chaque discipline a ses particularités.
L’Eigenfactor a été initialement créé et publié par l’Université de Washington et l’Université de Californie. Il a été inclus au Journal Citation Reports en 2009.
Déterminer l’importance d’une revue dans la communauté scientifique selon une méthode alternative au facteur d’impact.
Eigenfactor est fondé sur des algorithmes inspirés par les statistiques des réseaux, tout comme le PageRank de Google. Il utilise la centralité de vecteur propre (eigenvector) pour déterminer les revues vers lesquelles convergent le plus grand nombre de citations. Dans un réseau de citations, la fréquence à laquelle une revue est citée est un indicateur de son importance, voire de son prestige : cette fréquence, exprimée en pourcentage, est en essence le Eigenfactor Score de la revue (Bergstrom et al., 2008).
Le principe central de cet indicateur est que les citations ne s’équivalent pas : une citation en provenance d’une revue prestigieuse (source centrale) est plus prestigieuse pour la revue citée qu'une citation provenant d’une revue périphérique.
Les flèches représentent un réseau de citations entre 4 revues (A, B, C et D) illustrées par des cercles (nœuds). La grosseur du cercle représente la centralité de la revue dans le réseau, telle que déterminée par l’algorithme de l’Eigenfactor, et est reliée aux nombres d’interrelations avec les autres nœuds. La revue B est la plus centrale du réseau et donc celle ayant la plus grande influence. (Adaptée de West et al., 2010).
Les auteurs de cet indicateur suggèrent l’allégorie suivante pour illustrer plus concrètement leur approche. Imaginons une personne dans une bibliothèque renfermant l’ensemble des revues indexées dans le JCR et qui sélectionnerait au hasard un article. À la fin de sa lecture, celle-ci choisirait un second article, encore une fois au hasard, mais cette fois-ci en parcourant la bibliographie du premier article. Elle irait consulter ce document et, comme précédemment, sélectionnerait un troisième article au hasard à partir de la liste de référence. Ce processus aléatoire serait poursuivi infiniment, créant ainsi un immense réseau de citations. À la fin de ce processus, la fréquence à laquelle cette personne aurait consulté chacune des revues représente une mesure de leur importance dans le réseau.
En plus de créer une hiérarchie de publications à l’intérieur d’un champ disciplinaire, Eigenfactor permet de cartographier le flux informationnel interdisciplinaire et donc d’illustrer la prépondérance des champs de recherche et l’inter-citation pour l’ensemble du paysage scientifique. Cette forme de visualisation rend compte de l’évolution des sciences dans le temps et de l’émergence de nouvelles disciplines.
Tiré de : eigenfactor.org (http://www.eigenfactor.org/projects/mappingScience/)
Enfin, la méthode de calcul de l’Eigenfactor peut être appliquée à différents niveaux : revues, institutions, auteurs, articles.
Les données utilisées dans le calcul de l’Eigenfactor proviennent de JCR ou Journal Citation Reports (Clarivate, anciennement Thomson Reuters). Il faut noter que ce classement a longtemps pris en compte uniquement les revues de Science Citation Reports et de Social Science Citation Index (environ 7,000 titres en 2009).
Pour chaque revue classée dans JCR, deux scores sont calculés :
Méthode telle que décrite dans West, J. et Bergstrom, C. T. (2008). Pseudocode for calculating EigenfactorTM Score and Article InfluenceTM Score using data from Thomson-Reuters Journal Citations Reports. https://jevinwest.org/papers/West2008JournalEF.pdf
Soit la matrice de citations Z de 2015 : il s’agit de la somme des citations obtenues en 2015 par tous les articles parus dans les revues de JCR pendant les 5 années précédentes (2010-2014).
Z_ij= nombre de fois que les articles de la revue j a cité,en 2015,les articles parus entre 2010 et 2014 dans la revue i
Exemple :
Note : cet exemple représente un échantillon; la matrice réelle aura autant de lignes et colonnes que des revues analysées.
On met la diagonale de la matrice Z à 0, de façon à éliminer les autocitations.
On normalise ensuite toutes les colonnes : chaque entrée (cellule) est divisée par la somme de la colonne.
Le résultat est une nouvelle matrice : la matrice H.
Certaines revues ne citent pas d’autres revues : la valeur des colonnes correspondantes est alors 0 (en gris dans la figure ci-dessus). On les désigne par le vecteur d.
Dans un graphe de citations, ces revues seront représentées par des nœuds périphériques, sans liens qui pointent vers d’autres nœuds.
Le vecteur d’influence est le vecteur propre π* - normalisé de façon à ce que la somme des composants soit 1 – de la matrice P, qui est définie comme suit :
où
Pour éviter d’avoir un seul vecteur central, il faut réitérer l’équation suivante :
Le vecteur eigenfactor de chaque revue est donné par le produit scalaire de la matrice H (force de la relation entre les noeuds) et du vecteur d'influence π, normalisé pour que la somme soit égale à 1, puis multiplié par 100 pour convertir les valeurs des fractions en pourcentages.
L’Article Influence Score (AIS) de chaque revue (i) est calculé selon la formule suivante :
Où :
En d’autres termes, l’AIS revient à l’Eigenfactor Score/100, divisé par la fraction de tous les articles publiés dans chaque revue.
Lorsqu’on évalue un ensemble de revues (qu’elles soient comprises ou non dans le JCR), il faut tout simplement additionner leurs Eigenfactor Score respectifs. Si la somme revient, par exemple, à 5.909, on dit alors que les revues analysées occupent 5.9% de l’attention des chercheurs. Ce facteur d’influence peut appuyer une décision quant au développement des collections en milieu académique (West et al., 2010).
Si toutes les revues avaient une valeur égale, les revues avec le plus grand nombre d’articles devraient attirer le plus de citations. Or, dans l’édition scientifique, les revues les plus prestigieuses ne sont pas celles qui réunissent le plus grand nombre de publications, mais bien celles qui reçoivent le plus grand nombre de citations par article. Cet aspect rend compte de l’importance de l’indice AIS de chaque revue et de sa complémentarité à l’Eigenfactor Score.